Un dessin qui vous chuchote à l’oreille par Claude Moyen
Janvier 2011
«All else is unreal», c’est sur cet exergue que s’ouvre l’exposition d’Isabelle Marmann. Ce qui d’emblée soulève une question: à quoi fait référence «all else»? Qu’est-ce qui est irréel? «All else» est-il «tout le reste»; ce qui va suivre dans l’espace d’exposition? Est-ce que ces mots font fonction de générique? Alors ce qui va suivre n’est pas la réalité, n’est pas tiré «de faits réels» comme on dit au cinéma, mais est bien de l’ordre de l’imaginaire. Ces mots d’introduction fonctionnent comme une sorte de mise en condition du spectateur: ce qui va suivre tient de l’histoire, ou plus précisément du récit, dont une des premières définitions est qu’il s’oppose au réel. Ils marquent l’entrée dans un univers où l’espace graphique de l’artiste s’étend au delà des tableaux à l’espace d’exposition et se diffuse dans des supports variés: tableaux, textes muraux, cartes postales…
A la source de la démarche de l’artiste se trouvent de simples dessins linéaires au crayon – images ou mots. Sa collection de milliers de dessins, réalisée sur un format identique à partir de sources photographiques, littéraires ou cinématographiques, constitue une sorte de matrice. Suit un travail de sélection et d’association puis un travail patient de transfert dans d’autres médiums: crayons de couleur, encre, imprimerie. La série de dessins aux crayons couleurs ainsi que celles des encres associe texte et image, ou plus précisément des mots et des portraits de femmes, d’enfants, d’hommes, d’animaux. Tous ces portraits sont issus d’un exercice de caractérisation, de construction détaillée d’acteurs d’une histoire qui semblent jouer chacun un «rôle» particulier. L’artiste place avec précision chaque protagoniste dans l’espace d’exposition, comme si elle l’intégrait dans un tissu narratif.
Dessins, textes et images circulent avec légèreté dans l’espace comme autant d’éléments d’une histoire – une histoire qui cependant n’existe pas, si ce n’est dans l’esprit du spectateur. Dans ce jeu d’associations subtiles entre image et texte, l’artiste varie constamment les registres et multiplie les niveaux d’interférence, de superposition et de résonances. Au coeur de l’art d’Isabelle Marmann, il y a une sorte de sérénité, un ralentissement propre à sa technique, un calme qui est communiqué par ses dessins et devient l’humeur de son public. Regarder un de ses dessins, c’est un peu comme regarder un tableau avec quelqu’un qui vous chuchote à l’oreille.